Paris, relève-toi.

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Il y a d’abord le choc, bien sûr, la stupeur. Cette chape de plomb qui s’abat sur nous, ces regards qu’on s’échange, ces informations qui arrivent et qu’on ne veut pas comprendre. Il y a les sirènes, incessantes, assourdissantes, la porte que l’on ferme à double tour, la peur qui gronde. Et cette envie plus forte que tout d’être chez moi, au chaud, dans mon cocon, loin de cette horreur, loin des coups de feux, des sirènes et de cette peur qui me noue la gorge et l’estomac.

Il y a les appels, les messages, tous ces gens qui s’inquiètent pour nous et pour qui l’on s’inquiète. Il y a les nombres de victimes qui tombent, toujours plus ahurissants, toujours plus importants, impossibles à accepter. Il y a la prise de conscience que ça arrive VRAIMENT, que ce n’est pas qu’un cauchemar. L’effroi.

Et surtout, depuis presque 3 jours, il y a un chagrin immense et inconsolable. Pour cette jeunesse fauchée, pour cette ville qui est la mienne, ce quartier que j’aime et dans lequel je bois, je sors, je danse, j’aime, je ris, je crie, je travaille, je vis. Mon quartier. Ces terrasses, ce sont aussi les miennes. Et ces jeunes, ce sont aussi mes amis, ce sont aussi moi.

Rien n’apaise ma peine depuis vendredi soir. Rien ne sèche mes larmes. Je pense à ces familles, à ces amis qui ont tout perdu. À ces blessés qui se battent, à tous les traumatisés, aux survivants, aux témoins, aux touristes, aux Français, aux étrangers, à tous ceux qui sont bouleversés comme je le suis.

Cette fois, j’ai peur, j’ai vraiment peur. Je vois tous ces gens soulagés d’être loin. Je vis au milieu de ce chaos, de ces rues du 11ème arrondissement que j’aime tant. J’ai rejoint mon appartement avec mes amis au milieu de la nuit en longeant les murs. Mais je ne souhaiterais être nulle part ailleurs. Même si j’ai peur, même si j’ai mal, même si je pleure, ici c’est chez moi et ça le restera. Je continuerai à sortir, à boire des bières et à aller à des concerts avec mes amis. Je continuerai à vivre.

Dés que je mets un pied dehors, je passe devant ces bougies, ces milliers de fleurs pour cacher les trous des balles de kalachnikov. J’en dépose aussi, je pleure avec mes voisins proches ou lointains. Je croise ces gens, le cœur lourd mais soulagés d’être ensemble dans la tristesse. Unis. Vous ne gagnerez pas, je le jure, vous ne gagnerez pas. Ni amalgames ni divisions. Notre génération vaut mieux que ça, bien mieux.

Nous sommes brisés mais pas détruits. Nous pleurons nos morts, nous sommes en colère contre l’injustice insupportable de leur disparition. Mais nous continuons à vivre, à sourire, à aimer. Leurs visages ne nous quittent pas, jamais. Ils étaient la jeunesse, ils étaient nous. Ils n’avaient rien fait d’autre que vivre. Ils avaient des parents, des enfants, des frères, des sœurs, des amis, dans un désarroi infini que personne ne pourra jamais consoler. Vous n’aviez pas le droit de nous les enlever. Ils manqueront toujours.

Aujourd’hui, je sais que l’on peut mourir à 25 ans d’aller boire une bière. Je ne vais en aimer que davantage mes amis et nous sortirons en boire plus encore. Je vais les regarder, les entourer, rire avec eux bien plus fort. Nous ne cèderons pas, jamais. Le cœur est lourd mais la légèreté toujours de mise. Nous irons danser, rire, boire, aimer et sourire encore et encore. Nous ne savons faire que ça.

Je suis en colère. Je vous en veux de ce coup de poignard dans nos vies. Je vous en veux de la peur que vous avez fait naître en moi, en nous. « Not afraid », pas cette fois. La génération Bataclan, c’est non seulement la mienne mais c’est en plus celle que vous avez fauchée en bas de chez moi. Seulement, ici, les terrasses sont déjà bondées de nouveau, nous ne les avons désertées qu’un jour à peine, le temps de la stupeur. Nous riposterons, à coup de mojitos et de jeux de carte, de concerts et de danse en pleine rue.

La barbarie et la terreur font partie de nos vies, maintenant. Il nous faut l’accepter. Mais ne les laissons pas être plus forts que nous. Il faut agir. Les dirigeants de ce pays ont leurs responsabilités mais nous avons les nôtres. Nos enfants ne grandiront que dans le monde que NOUS, nous leur laisserons. Apprenons leur le respect et l’amour de l’autre. Apprenons leur à ne pas avoir peur, à ne jamais renoncer à ce qu’ils aiment. À ne pas céder, à se battre et à construire un monde plus beau que celui que 2015 nous a esquissé. Dans leur cour de récré, il y a l’avenir de demain. Tout est encore possible.

A tous ceux qui annulent leurs voyages à Paris, à tous ceux qui n’osent plus sortir, je voudrais dire que c’est normal d’avoir peur, que moi aussi je suis terrifiée. Mais qu’ils ne doivent pas annuler ni rester chez eux. La vie est dehors, avec les gens, dans cette ville merveilleuse qui a tant à nous offrir. Il ne tient qu’à nous de remettre Paris debout. Je vous envoie tout mon amour, prenez-le, aussi naïf soit-il, car c’est lui qui doit gagner. Et avec lui, la vie.

3 réflexions sur “Paris, relève-toi.

  1. Elsa dit :

    Je vient de découvrir votre blog et je voulait juste dire merci… Merci pour cet article juste et sensible.. Il faut continuer à vivre, riposter, boire des bierres en terrasse et rire plus fort qu’avant tout le monde est d’accord avec sa ! Mais cela était compliqué pour moi juste après les attentats, la peur c’était immiscé dans ma vie et l’injonction  » Not Afraid  » qu’on lisait partout me mettait un peu mal à l’aise.. Ce petit commentaire brouillon et mal écrit pour dire que je me retrouve vraiment dans votre texte et merci pour ce blog drôle et fin que je vient de découvrir et qui vas faire partie j’en suis sur de ma « liste de lecture ) .

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    • commesicetaitdemain dit :

      Merci beaucoup Elsa !
      Votre commentaire me touche beaucoup. Je suis d’accord avec vous, j’ai eu très peur aussi, d’autant plus que tout s’est passé si près de chez moi. Mais ça ne me fera pas plier pour autant et, heureusement, la vie reprend ses droits, pas tout à fait comme avant mais c’est bien aussi.
      Je suis ravie que mon blog vous plaise, il est tout nouveau et a très très peu de visibilité mais du coup vous me motivez à le « garnir » et je vais de ce pas publier davantage d’articles très prochainement 😉

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      • hcomcontact dit :

        C’est sincère et vraiment ! J’ai eu besoin de sortir mardi soir, juste après, pour me prouver que la vie continuait, mais les rires n’avait pas la meme résonance et je tremblais à chaque voiture qui passait lentement trop prés de la terrasse.. Comme vous dites sa continue, pas tout à fait comme avant, et sa vas être long.. Ce blog me touche pas que cet article, j’ai lu les autres et j’aime beaucoup le style ! 😉 Trés bonne journée !

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